Victor-Alphonse BASTIDE (1816-1890), Pasteur de la paroisse de Gordes-les Gros de 1879 à 1890
C’est une rencontre avec deux de ses arrières-arrières-petites-filles qui nous a conduites à étudier l’histoire de ce pasteur. En 2001, l’une d’elles a retrouvé dans le grenier de la maison familiale aux Bouilladoires, divers écrits de V.A. Bastide, relatant son enfance, ses études, ainsi qu’un petit carnet de ses sermons. Dans les archives familiales, nous avons découvert des photos et une lettre, adressée à notre arrière-grand-père Étienne Bourgue, trésorier de la paroisse, annonçant l’arrivée de ce pasteur, pour sa prise de fonction aux Gros, après un rocambolesque voyage. Et dernièrement, nous avons dégagé des broussailles, dans le cimetière familial situé aux Martins, sa sépulture et celle d’une partie de sa famille. Nous avons souhaité vous faire partager quelques lignes de ses écrits. Jeunesse et études Victor Alphonse Bastide est né en 1816 à Molezon, en Lozère, petit hameau des Cévennes, dans une famille nombreuse, plutôt destiné au travail de la terre, Il décrit avec beaucoup d’émotion cette période qui sera marquée par son goût pour les études, et la découverte de la Bible, son premier livre de lecture. « Je suis né le 15 janvier 1816, dans le plus obscur des hameaux, du plus obscur de nos départements. Ma naissance semblait me destiner aux travaux agricoles, mes goûts m’en éloignèrent dès ma plus tendre enfance. L’étude seule avait pour moi quelque attrait…… Je commençai mes études grâce aux pressantes sollicitations que mon premier instituteur, adressa au meilleur des pères et à la plus tendre des mères…, instituteur dont je ne me souviendrai jamais trop pour sentir battre mon cœur de reconnaissance…. Mes parents avaient reçu l’éducation que l’on donne aux enfants dans les campagnes fort retirées et presque sauvages, c’est-à-dire qu’ils n’en n’ont pas reçu et chez moi savoir lire et écrire, c’est être savant. Aussi, à 12 ans, je ne connaissais pas encore une lettre de l’alphabet. Vers cet âge environ, nous reçûmes la visite d’un instituteur qui devait se fixer dans le pays. Je fis de rapides progrès et j’étonnais mes parents par la facilité avec laquelle je déchiffrais un vieux bouquin enfumé qui gisait sur la cheminée de la cuisine. On comprend que la bibliothèque de mon père n’était pas fort riche : deux ou trois livres de prières, une vieille Bible et quelques volumes que l’on cachait à ma curiosité, c’était tout. Cependant, je voulais lire à toute force je lus des prières, peu m’importait de les comprendre ou non…. Je demandais autre chose, on me promit la Bible et ma joie fut grande. La joie que j’éprouvai lorsque la Bible sortit de l’armoire de mon père pour passer la première fois entre mes mains est le plus vif peut être des souvenirs de mon enfance. Je m’étais fait une loi de ne rien passer sans lire que je comprisse ou non, tout était beau ou du moins devait l’être dans le livre que j’avais entendu appeler « la parole de Dieu ». Au bout d’un an, j’avais lu deux fois l’Ecriture depuis les premiers mots de La Genèse jusqu’aux derniers versets de l’Apocalypse La Bible avait été ma première lecture, à14 ans, je connaissais les divers livres dont elle se compose, plus à fond qu’après 4 ans de théologie. » Poursuite des études à Genève « Le 17 octobre 1834, je quittai mes parents et mon pays natal. Mon cœur fut ému de voir les pleurs d’une mère chérie et de deux tendres sœurs… Mais depuis longtemps je brûlais de voyager et le plaisir succéda bientôt à la tristesse …. Ma tristesse morne se changea en une douce mélancolie. J’arrivai à Genève, le 18 octobre. J’étais ravi, en extase, en contemplant cette majestueuse enceinte formée par le Jura, le Mont Blanc dont on voit la cime majestueuse se détacher …. Le lac si beau et si majestueux faisait tressaillir mon cœur transporté d’aise. Mais comme ce n’était pas pour admirer les beautés du pays que j’étais venu à Genève, il fallut se mettre vigoureusement à l’algèbre, la géométrie, sans compter le latin et le grec….Après six semaines, je fis mon examen et le fis bien.. » Il va alors, assez vite, traverser des moments de doute, d’incertitude et d’isolement qu’il décrit fort bien, et qui vont le conduire à une certaine instabilité. D’une timidité naturelle, et très sensible, il se sent seul, et souffre de l’éloignement. En avril 1836, il revient auprès de sa famille. Il donnera alors des leçons dans un pensionnat à Florac, tout en préparant un baccalauréat scientifique, qu’il obtiendra le 13 juillet 1836, à Montpellier. Le 7 octobre 1836, Il retourne à Genève pour s’inscrire en théologie, tout en continuant des études de mathématiques puisqu’il est désormais bachelier ès sciences. Cours avec le professeur Louis Segond Louis Segond, théologien protestant né à Genève (1810-1885), donne des cours dans cette ville sur l’histoire de la langue hébraïque. La première publication de sa traduction de l’ancien testament est datée de 1874 et celle du nouveau testament de 1880. Les deux seront publiés en un volume, la première fois en 1880 à Oxford. Cette traduction est usuellement appelée « la Bible Segond ». Elle deviendra, pour un siècle la référence au sein du protestantisme français. Alphonse Bastide terminera avec succès ces deux disciplines théologie et mathématiques puisque le 14 avril 1840, il va présenter sa thèse « Exposé des thèses de Saint Paul sur la résurrection » à la faculté de théologie de Strasbourg, en vue d’obtenir le grade de bachelier en théologie. On apprend qu’en 1840, il prêche au Pont de Montvert en Lozère, à côté de Florac. « Le pont de Montvert est horrible, c’est la Sibérie de la Lozère. Je suis à quelques lieux de la maison familiale,…. J’ai prêché au Pont de Montvert… J’avais bien froid dans ce temple moitié découvert et j’avais fait 9 lieux sur le verglas de nos montagnes… » Il postulera comme pasteur dans ce lieu, mais ne sera pas retenu Plus tard, le 28 janvier 1841 Alphonse Bastide est consacré pasteur et occupe le poste de St Hippolyte du Fort (Gard)) tout en enseignant dans un pensionnat. Il obtiendra ensuite le poste de suffragant à Ganges où il semble être resté quelques temps puisqu’on retrouve des sermons prêchés dans ce lieu, entre autre sur le Christianisme et le méthodisme. Ses écrits s’arrêtant à cette date, nous avons peu d’éléments sur son parcours jusqu’à sa prise de fonction aux Gros. On sait qu’il sera pasteur près de Poitiers, à Couhé en 1843. Il va ensuite s’installer pour une longue période avec sa famille à Beauvais, où Il exercera une double fonction: pasteur et professeur de mathématiques. Nomination sur poste pastoral de la paroisse de Gordes-Les Gros Nous sommes en 1879. Il n’y a plus de pasteur aux Gros. On fait appel à Victor Alphonse Bastide, alors qu’il a déjà 63 ans. Il annonce son arrivée avec sa femme, deux de ses filles : Elisabeth et Cornélie-Idda et sa petite fille Louise. Une lettre écrite le mercredi 10 décembre depuis Lyon, annonce enfin son arrivée retardée par de multiples péripéties. Parti de Beauvais le mercredi 3, il s’arrête deux jours à Paris pour affaire et devait repartir le samedi 6 en vue de son arrivée le dimanche 7 décembre. Mais bloqué successivement par la neige à Paris puis par une collision de son train avec un train de marchandise, et enfin la perte de ses bagages, il n’arrivera que le vendredi 12 décembre en gare de Coustellet-Maubec soit 10 jours de voyage depuis Beauvais. Voici ce qu’il écrit dans une lettre à Etienne Bourgue, trésorier de la paroisse des Gros : Lyon le mercredi 10 décembre 1879 Monsieur, D’après le contenu de mes lettres précédentes, vous devez trouver que je suis déjà bien en retard pour vous écrire et vous annoncer mon arrivée. Différentes circonstances plus ou moins imprévues ont amené et expliquent ce retard. D’abord mon déménagement, les préparatifs de mon départ et le règlement de mes affaires ont pris un peu plus de temps que je n’avais compté et je n’ai pu quitter Beauvais que mercredi dernier, 3 du courant, au soir. Arrivé à Paris dans la soirée, je pensais que deux jours me suffiraient pour faire les quelques visites que j’avais à faire et mon plan était de partir samedi matin de manière à arriver aux Gros, dimanche dans la matinée, mais au moment où j’allais vous écrire pour vous annoncer ces dispositions, la neige tombait sur Paris avec abondance et rendait déjà la possibilité du départ douteuse. Dans la journée, en effet, j’ai appris que la circulation était interrompue sur la ligne de Paris à Lyon samedi dans la journée et dimanche les trains circulaient avec plus ou moins de difficultés dans les deux sens, et après information, je me décidais à partir lundi. Mais une nouvelle chute de neige menaçait d’interrompre de nouveau les communications. La prudence m’imposait l’obligation d’attendre au lendemain. Hier mardi, je pris avec ma femme, mes deux filles et ma petite-fille le train de 3 heures du soir. Nous aurions dû arriver aujourd’hui, dans la soirée, à Avignon et demain dans la journée aux Gros et à Gordes, mais vers 9 heures du soir le train rencontre un train de marchandises ; le choc n’occasionnera que quelques blessures peu graves et ma famille et moi, nous en fûmes quittes pour la peur, une émotion de quelques moments et un retard de 6 heures dans notre arrivée à Lyon ; mais la locomotive de notre train avait été mise hors de service. Un train exprès parti de Paris nous reçut et nous a conduits à Dijon et à Lyon ; mais nos malles sont restées en route et pour éviter de plus graves inconvénients, nous sommes obligés de les attendre ici. Nous ne pourrons ensuite arriver à Maubec qu’après demain, vendredi dans la matinée j’espère et de là nous nous proposons de nous rendre dans le courant de la journée à Gordes, en passant par les Gros et les Michelons. Je crois que le mieux est de renvoyer à notre première entrevue, qui j’espère aura lieu ce jour là, toutes les dispositions qu’il sera convenable de prendre. Je me borne donc aujourd’hui à vous annoncer mon arrivée et à vous prier d’agréer l’assurance de mes sentiments fraternels et dévoué A.BASTIDE. Le pasteur Bastide logera au hameau des Martins où se trouvait alors le presbytère, Il s’y installera avec sa femme, Julia-Clémentine, deux de ses filles et sa petite fille Louise. Il se sentira parfaitement intégré dans cette paroisse. D’après le carnet de préparation de ses sermons, on sait qu’il prêchera, entre autre au hameau des Cortasses, annexe de Gordes, aux Gros, à Lourmarin…. Cette terre sera aussi celle de sa dernière demeure. Le pasteur Bastide décèdera en 1890 au hameau des Gros, dans l’exercice de sa fonction. Il sera enterré dans le cimetière familial des « Peyron » aux Martins. (Photos)
A ses côtés, se trouvent les tombes de deux de ses filles : Elisabeth et Julia, ainsi que sa femme Julia-Clémentine, qui décèdera, à 89 ans, le 5 juin 1909. Les tombes de Cornélie et Alexandre Peyron et leurs descendants se trouvent dans le cimetière familial aux Ribas – quartier des Bouilladoires à Gordes Nous remercions tout particulièrement ses arrières, arrières petites filles : Geneviève Legay et Irène Nicoletto pour la transmission de ces précieux et émouvants témoignages. Quelques éléments familiaux Alphonse et Julia-Clémentine Bastide ont eu cinq enfants : – Anna, marié avec Adolffe Stocky (d’origine tchèque), décédée prématurément en couche. Leurs 2 enfants : Louise et Alphonse seront élevés par leurs grands parents sur Beauvais. Louise épousera Paul Prim, de St Sébastien, commune de Mens en Trièves. C’est une très ancienne famille protestante implantée depuis de nombreuses générations au domaine de « Bottes ». De nombreux documents ont été confiés par elle aux archives départementales de Grenoble (bibles anciennes, actes divers….) Parmi les descendants de Louise, on trouvera, à nouveau un pasteur en la personne de son arrière-petit-fils. Marc-Henri Sandoz. Il exerce sur Genève ! – Elisabeth (1853-1922) marié avec Mr Aigouin – Leur fille unique Anna meurt de la tuberculose à 20 ans – Scipion : nous n’avons aucune information, sinon qu’il a été le parrain de l’une de ses nièces et a habité sur Paris. – Cornélie-Idda, mariée à Alexandre Peyron, du Ribas, le 8 mai 1884 aux Gros (mariage célébré par le pasteur Bastide). Le couple habitera Entraigues (84) Instituteurs tous les deux, ils auront 6 enfants. – Julia (1857-1948) marié avec Célestin Legay, militaire, en 1879 à Beauvais. Le couple aura 4 enfants ; Les descendants d’Anna vivent à Genève et sa région, ceux de Cornélie et Julia, vivent pour la majorité en Provence. Cornélie-Idda, en épousant Alexandre Peyron, l’un des descendants du vaudois Pierre Peyron alias Michelons qui arrenta les terres de St Blaise aux moines de Sénanque en 1526, a ainsi laissé l’empreinte de cette famille, dans ce lieu chargé d’histoire évoqué dans les précédents bulletins de la Valmasque. – Geneviève Legay est l’arrière-petite-fille de Julia et Célestin Legay – Irène Nicoletto est la petite fille de Louise et de Paul Prim de Mens en Trièves. Elle habite aujourd’hui au Ribas et nous a confié que sa grand-mère, Louise, qui l’a élevée lui parlait beaucoup du pasteur Bastide et de ses liens avec la famille Bourgue des Michelons, toute proche. En effet, Louise avait été sauvée de la noyade par notre arrière-grand-père Etienne Bourgue, alors qu’elle s’aventurait sur un bassin gelé durant l’hiver entre les Martins et les Michelons ! La famille Bastide C’est le pasteur Rodolphe Gaudard, qui succèdera au pasteur Bastide. Nous avons retrouvé aux archives départementales, plusieurs écrits concernant son passage aux Gros et ses liens particuliers avec cette paroisse. Le Pasteur Raoul-Rodolphe GAUDARD de 1896 à 1903 La découverte de sa pierre tombale dans un cimetière privé aux Gros nous a amené à entreprendre des recherches aux archives départementales Nous y avons découvert un cahier présentant un état détaillé des familles protestantes de ce lieu ainsi que le testament du Pasteur Gaudard, par lequel il fait de nombreux legs à la paroisse et à ses paroissiens. Ces documents nous livrent de précieux renseignements sur l’importance et la composition de la communauté réformée de Gordes les Gros à cette période. Ils nous permettent aussi de mieux cerner la personnalité de ce jeune pasteur. Les dispositions et souhaits exprimés dans son testament témoignent de son attachement à cette paroisse et de sa ténacité pour assurer la pérennité de la foi protestante. Raoul-Rodolphe GAUDARD est né le 25/09/1866 à Berne, en Suisse. A l’âge de 24 ans, Il sera consacré pasteur à Paris le 2/04/1890, et naturalisé français le 4/06/1894. Il exerce son ministère dans l’Hérault (Villeveyrac, région de Montpellier), lorsqu’il postule pour la paroisse de Gordes les Gros, dont le poste est vacant. Il sera installé par le pasteur Sambuc de Lacoste le 29/09/1896 au temple des Gros. Il logera à proximité de celui-ci, dans la maison de Joseph Peyron, proche de celle d’Auguste Bourgue. C’est l’ épouse de ce dernier, Emilie, qui prendra soin de ce jeune pasteur de 30 ans, célibataire. Dès son arrivée, il va ouvrir un registre détaillé de ses paroissiens. Ce document est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, il fournit des éléments sur l’étendue et l’importance de la paroisse. Environ 150 personnes, en majorité de descendance vaudoise, sont répertoriées dans 7 hameaux de la commune de Gordes, ainsi qu’à Roussillon, Joucas, Ménerbes, Goult et l’Isle s/Sorgue. On y trouve également la liste des catéchumènes et des conseillers presbytéraux. Dans ce cahier, R. Gaudard consigne les actes pastoraux, et donne des renseignements précis sur les familles, les liens de parenté, les pratiques religieuses, ainsi que les mariages mixtes. Le pasteur attache une grande importance à l’union entre protestants, gage de la survie de cette communauté. Cinq ans après sa nomination, ce jeune pasteur semble avoir des soucis de santé. Des courriers rédigés en 1901, font état de bronchites et de fatigues persistantes l’empêchant de se rendre aux réunions du consistoire. Sa santé se dégrade rapidement, puisqu’il va décéder le 26 avril 1903. On peut penser qu’il s’attendait à sa fin prochaine, car il a rédigé son testament avec beaucoup de minutie. Il n’a plus de famille proche, et de ce fait, il va léguer la majorité de ses biens à la communauté protestante de Gordes, en demandant au conseil presbytéral d’exécuter ses dernières volontés. Voici quelques extraits essentiels et caractéristiques de ce document qui reflètent sa spiritualité, sa bonté, son esprit prévoyant et son investissement dans sa paroisse. « Ceci est mon testament : j’institue comme exécuteur testamentaire le conseil presbytéral des Gros, lequel pourra avoir recours aux lumières d’un notaire s’il le juge nécessaire. Ma succession se compose de biens mobiliers se trouvant présentement aux Gros d’une part et à Berne (Suisse) déposés à la caisse d’épargne des bourgeois de Berne d’autre part. – Legs à la paroisse. A. Je donne et lègue au conseil presbytéral des Gros la somme de 1500 Frs qui devra être employée de la manière suivante : a/500 frs pour l’achat d’un harmonium et remplacement des bancs etc. b /500 frs pour distribution de vêtements chauds à des enfants ou des personnes protestantes nécessiteuses de l’Eglise des Gros … c/) 500 frs pour payer les frais de mon enterrement et pour l’arrangement et l’entretien de ma tombe… « Dernières volontés pour l’organisation de son enterrement. On ne peut qu’être ému par ce passage où il décrit, d’une manière très précise, sa future tombe ainsi que le déroulement de ses obsèques, qu’il souhaite empreint d’une grande sobriété. « Je désire que l’on érige sur ma tombe une croix en fer, peinte en noir et fixé dans un support en pierre de taille. Au milieu de la croix, il y aura une plaque en émail ou en cuivre avec l’inscription suivante : « Ci gît Rodolphe Gaudard, pasteur de l’église réformée né le 27 septembre 1866, décédé le … . « Nous sommes étrangers et voyageurs sur la terre » Hébreux 11-13 ». Je désire encore que la tombe soit entourée d’une grille en fer de 0,50 cm environ et qu’on y sème des fleurs » Ainsi fait et écrit de ma main…… Ensevelissement : Je désire être enseveli soit à Avignon, soit aux Gros. On me portera au temple des Gros. Aucun discours ne sera prononcé, seulement lecture de la bible et courte prière. Le cercueil sera en bois dur : chêne ou murier… »
D’autres legs témoignent de son attachement à ses paroissiens et de sa reconnaissance pour les services qui lui ont été rendus. « Je donne et lègue à Monsieur Auguste Bourgue, propriétaire aux Gros 2.500 frs… Dont 500 frs en signe de reconnaissance pour les bons soins de Madame Emilie Bourgue (son épouse). » – Il faut remarquer que de nombreux legs sont destinés à encourager les jeunes de la paroisse à persévérer dans la religion réformée. Le pasteur montre là son souci de préserver l’identité protestante de la communauté. « Je lègue 1.000 frs à mesdemoiselles Marie Bourgue et 1.000 frs à Augusta Bourgue avec le désir que celles-ci épousent des jeunes gens protestants… 300 frs devront être placés en un livret de caisse d’épargne auquel ils ne toucheront qu’à leurs majorités, sur la tête de chacun de ses 3 enfants : Auguste, Hélène et Adolphe Bourgue. J’engage, en retour, ces trois enfants à être brave et à tenir ferme à la religion protestante.… 500 frs en deux livrets de caisse d’épargne chacun, sur la tête de ses deux filles Elisa et Louise Peyron, à titre d’encouragement. Je souhaite qu’à leur tour, elles épousent de jeunes gens protestants. » Enfin, on relève des dispositions qui dépassent le cadre strict de la paroisse et témoignent de la générosité d’un homme soucieux des autres et de l’avenir. « Je donne et je lègue à la faculté de théologie protestante de Paris : la somme de 800 frs pour constituer la bourse d’un étudiant vauclusien si possible ou Suisse mais se destinant au ministère français à la dite faculté …. Je donne et lègue à la société de secours mutuel et de prévoyance des pasteurs de France, la somme de 500 frs…. Je donne et lègue mes tableaux au conseil presbytéral, qui se les partageront en souvenir de moi. Je les prie, en même temps de s’intéresser sérieusement aux intérêts du temple et de faire des sacrifices pécuniaires pour lui lorsque mon successeur le lui demandera En conclusion, le texte biblique qu’il a choisi de faire inscrire sur sa tombe : « Nous sommes étrangers et voyageurs sur la terre » illustre bien sa toute dernière volonté : « Je demande instamment que tous mes sermons que l’on trouvera, réunis ensemble, ainsi que mes papiers privés : lettres soient brulées, sans être lues et je demande que toutes les autres photographies soient détruites par le feu. » Les documents que nous avons retrouvés et présentés – le cahier de la paroisse et le testament du pasteur – sont une tentative modeste, de faire revivre le souvenir émouvant de ce « voyageur sur la terre »… Aujourd’hui, Raoul Alphonse Gaudard repose dans un de ces petits cimetières familiaux aux Gros où sa tombe, toujours bien entretenue, reste un des témoignages de son bref passage dans ce lieu. Il existe autour de ce hameau, plus d’une vingtaine de ces sépultures, certaines à l’abandon, envahis par les broussailles, d’autres inaccessibles suite à la vente des terrains environnants. Il devient urgent de les répertorier pour les protéger. Il s’agira, par la suite, d’une étude beaucoup plus large, en vue d’établir un recensement de toutes les sépultures protestantes de la région, sépultures plus ou moins abandonnées et que nous devons, par devoir de mémoire protéger pour les préserver de l’oubli. D’autres régions protestantes, comme la Drôme ou l’Ardèche, se sont déjà mobilisées dans ce sens, en créant des associations. Ces dernières ont pour but, le recensement, mais aussi l’entretien et la protection de ces lieux par différentes actions. Un appel est fait, ce jour, à toutes les personnes sensibilisées par ce projet pour nous rejoindre. Marion et Magali Bourgue |